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02/03/2002


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La vie des Israéliens trahie par la peur

La vie quotidienne des Israéliens n'est plus la même depuis les attentats de l'intifada. La peur a même poussé des parents à empêcher leurs enfants d'aller à l'école.

SERGE DUMONT - JÉRUSALEM

Ils sont bien, hein ? Lorsqu'on entame la conversation avec lui, Yoram Zaccaï, fonctionnaire retraité, devient intarissable sur ses nouveaux volets blindés. Des plaques métalliques fendues d'une meurtrière qu'il a installées il y a deux semaines aux fenêtres de sa petite maison d'Abou Tor, près de Jérusalem. Avant l'intifada, Abou Tor était un petit paradis de calme et de verdure, soupire-t-il. Juifs et Arabes cohabitaient calmement et certains étaient même devenus amis. Mais tout est fini maintenant : c'est chacun pour soi dans le quartier. Ils ont peur de nous, on a peur d'eux, et depuis qu'un groupe de jeunes Arabes du village a poignardé une promeneuse juive à la mi-février, plus personne n'ose se regarder en face.

La peur des attentats est omniprésente en Israël. A la demande de nombreux parents, la plupart des municipalités ont annulé les cortèges carnavalesques de Pourim prévus de longue date : les familles ne voulaient pas que leurs enfants défilent dans les rues malgré la présence annoncée d'un policier armé pour chaque participant présent. A Tel-Aviv, celles-ci se sont déroulées dans un périmètre hermétiquement protégé par des unités d'élite de l'armée.

Cette peur est physiquement palpable où que l'on aille et elle s'accroît au rythme des attentats quotidiens. A Jérusalem, il suffit de se promener devant un arrêt d'autobus avec un walkman en main pour attirer les regards et pour se faire fouiller par des policiers en patrouille. Habituellement grouillantes de monde, les principales artères Yaffo et Ben Yehouda n'ont pas retrouvé leur activité d'antan. Les magasins organisent des soldes à moins 70 % pour tenter d'attirer les clients. J'ai l'impression que les gens ne viendraient pas même si on leur offrait la marchandise, lâche Olivia, la gérante française de la boutique de mode. Parfois, ils semblent tellement sur leurs gardes qu'ils regardent partout en même temps comme s'ils s'étaient fait greffer des yeux dans le dos.

La police de Jérusalem multiplie pourtant les contrôles dans ces rues sensibles. En moyenne, les Arabes qui s'y aventurent sont contrôlés tous les dix mètres. Mais cela ne suffit à faire revenir les consommateurs. Ni à faire fonctionner normalement le reste de la ville. Nous en sommes au point de devoir faire intervenir nos assistantes sociales parce que certains parents refusent d'envoyer leurs enfants à l'école de peur qu'un Palestinien fasse exploser sa bombe près de l'établissement, explique au téléphone la collaboratrice de l'adjoint au maire, chargée de l'éducation. Nous avons dû envoyer la police chez une mère qui, par peur, séquestrait sa fille depuis un mois.

Les titres de la presse populaire ne font rien pour calmer la tension ambiante. Ce serait même plutôt le contraire puisqu'ils évoquent quotidiennement et en lettres grasses les roquettes palestiniennes braquées sur les villes du centre du pays, les commandos du Hezbollah qui se seraient infiltrés dans les territoires palestiniens, les missiles atomiques iraniens visant Israël...

Cette peur est physiquement palpable

Il suffit que la radio évoque un « blitz » de kamikazes palestiniens sur nos villes comme elle le fait régulièrement pour que la fréquentation de ma consultation augmente, affirme Helena Dolman, un médecin de famille de Tel-Aviv. La majorité de mes patients se plaint d'aigreurs d'estomac, de maux de tête, d'éruptions cutanées a priori inexplicables et de problèmes de sommeil. Des propos confortés par ceux d'Edna Songerman, une psychologue de Hertzlya (banlieue nord de Tel-Aviv) selon laquelle les consultations pour des crises d'anxiété et les états dépressifs sont en nette augmentation.

Les gens ont un profond besoin de protection, affirme-t-elle. Et surtout maintenant. Ce qui explique sans doute pourquoi les médecines parallèles axées sur les soins du corps remportent un tel succès. Et peut-être aussi pourquoi le nombre de demande de permis de port d'armes introduits au ministère de l'Intérieur a augmenté de 350 % en deux ans.

Chez Natal, une association de bénévoles qui prend en charge les victimes d'attentats, leurs proches, et tous ceux qui se sentent menacés d'une manière ou d'une autre, les numéros d'appel gratuits sont constamment occupés. Cela n'était jamais arrivé auparavant, affirme une attachée de presse. Il suffit que des violences éclatent pour que nos standardistes soient débordées.

Pourtant, Ariel Sharon, ses ministres et les responsables de Tsahal répètent à l'envi que le pays est fort. Et qu'il n'a rien à craindre de personne. Mais, dans le même temps, l'Association israélienne des pharmaciens reconnaît que ses membres n'ont jamais vendu autant de tranquillisants que ces derniers mois.

Elément significatif : au début du soulèvement palestinien, le flux d'immigrants venant s'installer en Israël est resté constant. Or, le 17 février, le Bureau central des statistiques a révélé que ce n'est plus le cas et que le nombre de nouveaux émigrants (quarante-cinq mille personnes) a diminué de 28 % en 2001. Et tout porte à croire que les départs vers l'étranger se multiplient. Il n'existe aucune statistique, mais plusieurs déménageurs internationaux contactés confirment le mouvement. En outre, les files s'allongent tous les matins devant certains consulats. Fort courus, les Etats-Unis, le Canada et l'Australie, mais également les îles Vanuatu où une société israélienne baptisée Mondragon a acheté d'immenses étendues de terres qu'elle redistribue à ses coopérateurs. Moyennant cinq mille euros, des ressortissants de l'Etat hébreu ont ainsi acquis un lopin de terre vierge (trois hectares) et le droit de résider à vie dans cette république. Ils seraient déjà dix mille à avoir pris une option...·

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© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2002