UNICEF : la situation des écoles en octobre 2000

A Pristina, nous avons rencontré Afërdita Spahiu. Aferdita est responsable à l'UNICEF pour le domaine de l'éducation, et avait déjà participé en mars à la conférence interactive "L'école au Kosovo". En plus du bureau central où Afërdita travaille, l'Unicef a cinq bureaux, un dans chaque région du Kosovo, et chacun d'entre eux a une mission spécifique pour l'éducation au niveau municipal.

Afërdita, où en est la situation des écoles au Kosovo ? les élections d'octobre auront-elles un impact ?

Depuis décembre dernier, la situation des écoles en général s'est fortement améliorée, mais il reste encore beaucoup à faire. On s'attend à ce que pas mal de changements surviennent après les élections. Les nouveaux élus devront prendre un rôle plus important pour l'éducation primaire et secondaire. C'est à eux maintenant de prendre des initiatives, de venir avec des idées, de démarrer des projets... 

Quelle est la population scolaire au Kosovo ? qu'en est-il des minorités ? tous les professeurs reçoivent-ils un salaire à présent ? 

Nous avons en gros 400.000 élèves Kosovars albanais, et un peu moins de 30.000 élèves appartenant à des minorités (20.000 Serbes, 6.000 Bosniaques, 1.500 Turcs, 1.000 gitans et 70 Croates). Nous comptons environ 20.000 professeurs (et autre personnel employé dans les écoles) dont la toute grande majorité a signé un contrat avec l'UNMIK, qui leur verse un salaire allant de 240 DM à 290 DM (4.800 à 5.800 FB par mois ! juste de quoi survivre). 

Il y a environ 1.000 personnes qui n'ont pas encore signé ce contrat. Quelques professeurs ayant dépassé 65 ans ont dû cesser le travail. Comme il n'y a ici aucun régime de pension, cela leur pose de gros problèmes. Il y a également un certain nombre d'enseignants qui n'atteignaient pas le niveau minimum de qualification pour le poste, et qui n'ont pas été autorisés à signer ce contrat. Ils ont été dirigés vers un programme de formation d'une durée d'un an.

Et où en est la question des livres scolaires ? en décembre, c'était un gros problème, puisque la plupart des livres en albanais avaient été détruits par le régime en place avant la guerre.

Le problème est en passe d'être résolu. Tous les élèves doivent normalement recevoir leurs manuels gratuitement, et dans la mesure du possible chacun dans sa propre langue. Les manuels albanais utilisés durant les dix dernières années dans les écoles "clandestines" ont été réimprimés, après une inspection rapide destinée à en éliminer le contenu offensant pour d'autres cultures (ceci concerne principalement les livres d'histoire). Cette réimpression des livres et leur distribution gratuite a été rendue possible grâce à l'intervention de sponsors publics ou privés : L'Unicef bien sûr, la fondation Soros et plusieurs gouvernements dont ceux de Suisse, d'Autriche, du Canada, des USA et celui de la ville de Barcelone.

En gros la situation est satisfaisante pour les livres en Albanais, en Croate et en Bosniaque. Nous avons encore quelques difficultés pour les livres en Turc mais la situation s'améliore. Reste le problème des livres en langue serbe : le processus d'inspection des livres pour en éliminer le contenu offensant pour d'autres cultures n'est pas encore terminé. La toute grande majorité des professeurs serbes utilisent encore le matériel et le programme de Belgrade - d'où d'ailleurs ils reçoivent toujours leur salaire. Les optimistes espèrent qu'avec le nouveau gouvernement là-bas les choses pourraient s'améliorer, et que certains professeurs serbes pourraient signer un contrat avec l'UNMIK.

Et qu'en est-il des bâtiments scolaires ?

Jusqu'à maintenant, la priorité a été donnée à la réhabilitation - c'est-à-dire aux réparations d'urgence d'écoles qui n'avaient été que partiellement détruites, de manière à les rendre fonctionnelles le plus vite possible. Cette partie du programme est en train de se terminer, même s'il reste encore beaucoup à faire, entre autres dans le domaine sanitaire. Mais nous allons maintenant entamer la deuxième phase, celle de la reconstruction des quelque trente écoles qui ont été complètement détruites. Cette phase est financée en grande partie par un don du gouvernement japonais.

Les méthodes utilisées pour l'enseignement sont-elles les méthodes traditionnelles, ou au contraire essaye-t-on de renouveler la manière d'enseigner ?

Nous avons entamé un projet éducatif centré sur les méthodologies interactives. Le but est de sélectionner 35 écoles (une dans chacune des 30 municipalités du Kosovo, plus cinq autres) et de leur donner une assistance spéciale pour les aider à mettre en place ces nouvelles méthodologies. L'assistance inclut la fourniture de photocopieurs, d'ordinateurs ou de mobilier scolaire supplémentaire, ainsi qu'un programme de formation spécifique pour les enseignants. 

Dans une première phase, dix écoles ont été désignées pour ce programme. Elles se situent toutes en zone urbaine, et sont toutes des écoles avec un nombre important d'élèves; la priorité est données aux écoles à environnement culturel mixte. L'idée est que ces écoles deviennent plus tard des modèles dans leur municipalité, pour créer un effet "boule de neige".

D'autres projets à plus long terme ?

Un des projets auxquels nous collaborons concerne la révision plus fondamentale du curriculum, pour l'adapter au niveau européen et l'ouvrir aux possibilités offertes par les nouvelles technologies. Dans ce projet, l'Unicef joue le rôle de conseiller technique auprès de l'UNMIK pour le design et le développement de ce curriculum. C'est un projet qui durera certainement très longtemps, mais le processus vient de démarrer. 

L'Unicef a identifé dix personnes qui seront responsable de ce design et du développement futur de matériel pédagogique, qui impliquera également des experts dans chacune des matières concernées. Les critères qui ont été utilisés pour désigner ces personnes étaient bien précis : ils devaient être représentatifs de la communauté éducative du Kosovo, être capable de s'exprimer en langue étrangère, et avoir une connaissance de base des méthodes et technologies actuelles en matière d'enseignement. Leur premier travail sera d'établir pour eux-mêmes un plan d'activité à court terme. Nous sommes en train d'organiser pour eux une session de formation spécifique en développement de curriculum, qui se tiendra à Genève.

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Afërdita Spahiu est National Education Officer à l'Unicef / Pristina. Elle travaille depuis 1985 au Kosovo comme enseignante en primaire, dans le secondaire et à l'université. Lorsque ses fonctions à l'Unicef lui en laissent le temps (cela n'arrive pas souvent), Aferdita aime jouer du piano.

Pour en savoir plus sur L'Unicef : http://www.unicef.org/french