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la plainte contre Ariel Sharon dans l'affaire Sabra et Chatila :

les militaires israéliens qui refusent d'effectuer leur service dans les territoires

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Justice internationale : 

Le Soir en Ligne, le 16/02/2002, 06:00


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Lecture controversée de l'arrêt de La Haye
Pourquoi Sharon n'est pas Yerodia

Poursuites contre Sharon impossibles ? Défaite des droits de l'homme ? Pas si sûr... sauf dans le cas de Pinochet. Car l'arrêt de La Haye reprécise les termes de l'immunité.

JEAN-PAUL COLLETTE

Une chose était sûre, vendredi, au lendemain de l'arrêt de la Cour internationale de Justice annulant le mandat d'arrêt lancé par la Belgique contre l'ex-ministre congolais Abdoulaye Yerodia : la décision prise à La Haye fait et fera couler beaucoup d'encre.

Non seulement parce qu'elle pèse « politiquement » sur des procédures sensibles en cours, l'affaire Sharon en premier lieu, ni parce qu'elle est ressentie comme un recul par de nombreux défenseurs des droits de l'homme, mais aussi... parce que tous les juristes ne lisent pas ainsi les effets de l'arrêt.

Pour le spécialiste de droit international à la KUL Jan Wouters, l'arrêt Yerodia confirme une règle établie dans le droit : la Justice peut ouvrir un dossier à l'encontre de quelqu'un qui jouit d'une immunité mais celle-ci rend certains actes d'instruction impossibles. Comme le lancement d'un mandat d'arrêt...

Tel est manifestement le cœur de la controverse. Ceux qui interprètent la décision de La Haye comme un coup de frein à la procédure engagée contre le Premier israélien Sharon, voire comme un feu rouge à d'autres actions du même type, lisent que l'immunité d'un chef d'Etat ou d'un ministre en exercice est soulignée et sort renforcée de l'arrêt. Les autres en retiennent l'impossibilité de poser certains actes d'instruction.

Un des avocats des parties civiles (palestiniennes du Liban) contre le Premier ministre israélien, Me Michel Verhaeghe, se rangeait à cette opinion : L'instruction dans l'affaire Sabra et Chatila peut se poursuivre. La compétence universelle n'a pas été déclarée illégale ou contraire aux principes d'immunité, ni une instruction menée sous cette compétence universelle. Dans son arrêt Yerodia, la Cour demande à la Belgique d'annuler le mandat d'arrêt, pas d'annuler l'enquête.

Il convient d'ailleurs de préciser que, dans l'affaire Sharon, personne n'a demandé ou même évoqué de mandat d'arrêt contre le Premier ministre. Ni le parquet de Bruxelles, ni les parties civiles, ni le juge d'instruction.

De son côté, le défenseur belge d'Ariel Sharon, Me Adrien Masset, préfère souligner que l'arrêt de La Haye renforce l'immunité d'un chef d'Etat ou de gouvernement en exercice. Et il l'interprète : Mettre l'action publique en mouvement, c'est en soi porter atteinte à l'immunité de juridiction reconnue par la Cour de justice internationale.

Me Masset admet que la Cour de La Haye n'avait pas à se prononcer sur la légalité des poursuites dans l'affaire Yerodia, et a fortiori dans une affaire non évoquée devant elle - l'affaire Sharon. Une évidence pour tous les juristes mais, comme on le lira ci-dessous, elle a échappé dès jeudi soir à la majorité des commentateurs israéliens.

Il apparaît aussi que l'arrêt Yerodia invoque l'immunité d'un ministre des Affaires étrangères, comme celle d'un chef d'Etat ou de gouvernement, dans l'exercice de ses fonctions.

La Cour de La Haye a d'ailleurs elle-même énoncé une série de circonstances dans lesquelles cette immunité n'existe plus : si le responsable visé est poursuivi dans son propre Etat; si cet Etat lève lui-même l'immunité de son ressortissant; si le responsable est poursuivi par une Cour internationale qui en a la compétence, comme le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie.

« La compétence universelle n'a pas été déclarée illégale »

Le quatrième cas est le plus intéressant : si le ministre ou chef d'Etat n'est plus en fonction. Il peut alors être poursuivi à l'étranger pour des faits commis avant ou après son mandat ou pour des faits commis comme personne privée pendant l'exercice de ce mandat.

Ainsi rappelés par La Haye, les termes et limites de l'immunité indiquent qu'Ariel Sharon ne pourrait échapper à des poursuites à l'expiration de son mandat de Premier ministre - puisque les faits qui lui sont reprochés (liés aux massacres de Sabra et de Chatila, en 1982) ne sont pas contemporains de sa fonction. Et que celle de ministre de la Défense, qu'il exerçait alors, n'est pas couverte par une immunité internationale.

Ce scénario restera valable quoi que la Chambre des mises en accusation de Bruxelles décide, le 6 mars prochain, lorsqu'elle statuera sur la recevabilité des poursuites contre lui.

En revanche, l'arrêt Yerodia signifie que les poursuites engagées à l'étranger contre l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet ne seraient plus possibles : les faits reprochés au vieux militaire ont été commis dans l'exercice de ses fonctions, pour laquelle il reste couvert par l'immunité.

En ce sens, les défenseurs des droits de l'homme expriment une légitime déception.·

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© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2002