19 partis, un seul programme, et pas de Serbes

Avec 19 partis officiels (tous albanais, puisque la communauté serbe n'a pas voulu participer à ces élections), des coallitions diverses et des candidats indépendants, c'est parmi près de 40 formations politiques différentes que l'électeur kosovar aura dû faire son choix. Mais en simplifiant très fort les choses, on peut considérer qu'il y a au Kosovo deux partis principaux  : 

S'il y avait beaucoup de partis, il était bien difficile de voir une différence fondamentale entre leurs programmes. De fait, les problèmes à résoudre au Kosovo sont tels qu'il n'y a pas beaucoup d'alternatives : il faut reconstruire complètement l'infrastructure du pays; il faut établir une meilleure sécurité pour tous les habitants, trouver une solution au problème des nombreux Kosovars albanais encore prisonniers en Serbie, faire la vérité sur les nombreuses disparitions, ... Tous les partis ont en gros les mêmes priorités. Avec en toile de fond un objectif commun, sur lequel personne n'est prêt à transiger : l'indépendance future du Kosovo.

Pour y voir plus clair, nous avons rencontré quelques personnalités politiques importantes, albanaises et serbe, qui représentent les grandes tendances du pays en ce moment.


Le LDK (Ligue Démocratique du Kosovo)

C'est à dans son bureau de Lipjan, petite ville à 15 km au sud de Pristina, que nous avons rencontré Basri Demiri, le président local du LDK.

Au-dessus de lui, une photo d'Ibrahim Rugova. Le LDK sera le grand vainqueur de ces élections, puisqu'au total il va emporter pratiquement 60% des voix.

"La campagne a été très calme à Lipjan. En fait, le LDK représente ici 80 à 85% de la population. Nous nous attendons donc à gagner ces élections. Mais nous avons l'intention d'ouvrir la majorité aux autres partis, et même aux minorités (il y a à Lipjan 5.700 Serbes, 450 Croates et 1.000 Ashkaljia pour 72.000 Albanais). 

Notre programme à court terme se focalise naturellement sur les grands problèmes à résoudre : la sécurité des personnes, et la réparation des infrastructures vitales (écoles, routes, téléphone...). A moyen terme nous voulons construire un réseau de PME et nous préparer à la privatisation dès qu'une base légale aura été mise en place par Pristina (jusqu'en 1999 le Kosovo comme toute la Yougoslavie vivaient encore sous un régime communiste).

Mais l'essentiel, c'est bien sur l'indépendance de notre pays. Nous savons que cela pourra prendre du temps, mais la communauté internationale devra bien un jour se rendre à l'évidence que c'est la seule solution possible après ce qui s'est passé ici durant les dix dernières années. Au LDK, nous voulons obtenir cette indépendance par la négotiation et non par la force, comme l'a toujours préconisé Ibrahim Rugova (parfois appelé à l'étranger "Le Gandhi des Balkans")."


Les partis issus de l'UCK (Armée de Libération du Kosovo) : PDK, AAK et autres

La manière assez peu démocratique dont l'UCK avait dès la libération imposé ses candidats pour les pouvoirs locaux dans la plupart des municipalités du Kosovo, risque de lui valoir quelques solides déconvenues. Si dans beaucoup de cas les personnes ainsi désignées ont fait l'unanimité par leurs compétences et leur probité, cela n'a malheureusement pas été le cas partout. Il est vraisemblable que cela ait contribué dans un certain nombre de cas à l'affaiblissement du PDK et d'autres partis issus de l'UCK.

C'est à Gjakova que nous rencontrons le maire actuel, Mazllom Kumnova et Arjian Gjini, membre du gouvernement local. Leurs partis, tous deux issus de l'UCK, ont fait alliance ici pour contrer le LDK.

"A Gjakova, le problème numéro un reste la sécurité, mais la région est celle où se sont déroulés les combats les plus importants entre l'armée serbe et l'UCK. Il y a donc pas mal de disparus ou de prisonniers dont on n'a aucune nouvelle, et ceci est un des problèmes principaux que nous avons à résoudre. Et bien sur, notre but, c'est l'indépendance du Kosovo, sous une forme ou sous une autre. Eventuellement une solution serait un rattachement à l'Albanie. Mais tout le monde est d'accord ici sur le fait que, vu la situation actuelle dans ce pays, ce n'est pas une solution envisageable à court terme. Nous sommes bien sur prêts à négocier, mais s'il le faut nous sommes prêts à reprendre les armes."


Les Kosovars serbes n'ont pas participé

Même s'ils ne représentent plus que 5% de la population totale du Kosovo, les Serbes constituent un élément-clef pour la stabilité de la région. Majoritairement regroupés dans le Nord du Kosovo (Mitrovica-Nord, Leposavic, Zubin Potok...), ils ont décidé de ne pas participer aux élections.

La vérité oblige à dire qu'ils n'avaient pas le choix - c'était encore l'ère de Milosevic à Belgrade, et les ordres étaient formels pour boycotter toute initiative de l'UNMIK. Les quelques Serbes qui avaient manifesté l'intention de participer ont directement subi des pressions qui n'étaient pas que morales.

La situation pourrait être différente maintenant. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Oliver Ivanovic, leader des Serbes de la région de Mitrovica.

"Ces élections ne sont pas démocratiques, puisqu'elles ne sont pas organisées par le pouvoir légal au Kosovo, qui est toujours Belgrade. L'UNMIK favorise les Albanais au détriment des Serbes. 2.500 Serbes de Mitrovica-sud ont été chassés de leurs maisons sans que la KFOR ne s'y oppose. D'autres exactions ont eu lieu envers les Serbes dans d'autres localités."

Question : Maintenant que Milosevic est parti, envisagez-vous une meilleure collaboration avec l'UNMIK ?

"Votre question est la conséquence de préjugés très présents chez les occidentaux. Cet endoctrinement des médias est présent chez vous comme chez nous. Ce n'est pas parce que Milosevic l'a décidé que nous avons refusé de participer, mais parce que c'était la seule solution pour nous. Si Kouchner (NDLR: comme il l'a promis) veut organiser de nouvelles élections réservées aux Serbes, nous continuerons à refuser de participer. Ce que nous voulons, c'est la réintégration du Kosovo dans la République Serbe.