Discours
du ministre brésilien de l'Éducation,
en visite aux États-unis
Pendant un débat dans une université aux
États-unis en 2002, Cristovam Buarque - qui fut nommé l'année
suivante ministre de l'Éducation, fut interrogé sur ce qu'il pensait au sujet de l'internationalisation de l'Amazonie. Le jeune étudiant américain commença sa question en affirmant qu'il espérait une réponse d'un humaniste et non d'un Brésilien.
Voici la réponse de M. Cristovam
Buarque.
"
C'est vrai que, en tant que brésilien je serais absolument opposé
à l'internationalisation de l'Amazonie. Bien que nos gouvernements
n'aient pas porte toute l'attention nécessaire à ce patrimoine, il
est à nous.
En tant qu'humaniste,
je suis conscient du risque de la dégradation de l'environnement de
l'Amazonie, et je conçois totalement son internationalisation ainsi
que celle de tout ce qui est important pour l'humanité.
Si d'un point de vue
humaniste, l'Amazonie doit être internationalisée,
internationalisons également les réserves de pétrole du monde
entier. Le pétrole est aussi important pour le bien-être de
l'humanité que l'est l'Amazonie pour notre futur à tous. Malgré
cela, les propriétaires des réserves s'octroient le droit
d'augmenter ou diminuer l'extraction du pétrole et d'augmenter ou réduire
son prix.
De la même façon,
le capital financier des pays riches devrait être internationalisé.
Si l'Amazonie est une réserve pour tous les êtres humains, elle ne
peut être brulée par la seule volonté d'un propriétaire, ou d'un
pays. Brûler l'Amazonie est aussi grave que le chômage provoqué
par les décisions arbitraires des spéculateurs globaux. Nous ne
pouvons permettre que les réserves financières servent à brûler
des pays entiers dans la volupté de la spéculation.
Avant même celle de
l'Amazonie, j'aimerais voir l'internationalisation de tous les
grands musées du monde. Le Louvre ne devrait pas appartenir
seulement à la France. Chaque musée du monde abrite les plus
belles œuvres produites par le génie humain. On ne peut permettre
que ce patrimoine culturel, comme le patrimoine naturel de
l'Amazonie, soit manipulé et détruit au gré d'un propriétaire ou
d'un pays.
Il n'y a pas très
longtemps, un millionaire japonais s'est fait enterrer avec la toile
d'un grand peintre. Avant que cela n'arrive, il aurait fallu que ce
tableau soit internationalisé.
En ce moment les
Nations Unies réalisent le Forum du Millénium, mais les Présidents
de certains pays n'ont pu s'y rendre à cause des difficultés à la
frontière des Etats Unis.
Pour cette raison, je
pense que New York, en tant que siège des N.U., devrait être
internationalisée. Il en va de même avec Paris, Venise, Rome,
Londres, Rio de Janeiro, Brasilia, Recife. Chaque ville, avec sa
beauté spécifique, son histoire du monde, devrait appartenir au
monde entier/à tout le monde.
Si les Etats Unis
veulent internationaliser l'Amazonie à cause du risque de la
laisser aux mains de brésiliens, internationalisons également les
arsenaux nucléaires américains. Surtout qu'ils ont déjà prouvé
être capables d'utiliser ces armes là, en causant une destruction
mille fois plus importante que les lamentables " queimadas
" des forêts du Brésil.
Au cours de leurs débats,
les candidats actuels à la présidence des Etats Unis, défendent
l'idée d'internationaliser les réserves forestières du monde en
échange de la dette extérieure. Utilisons plutôt cette dette pour
garantir à chaque enfant dans le monde la possibilité de MANGER et
d'aller à l'école. Internationalisons les enfants, en les
traitant, tous, n'importe le pays où ils sont nés, comme un
patrimoine qui mérite les soins du monde entier. Encore plus que
ceux que mérite l'Amazonie. Lorsque les dirigeants traiteront les
enfants pauvres du monde comme un patrimoine de l'Humanité, ils ne
les laisseront plus travailler alors qu'ils devraient étudier, ni
mourir alors qu'ils devraient vivre.
En tant qu'humaniste,
j'accepte de défendre l'internationalisation du monde. Mais, en
tant que brésilien, je lutterai pour que l'Amazonie soit à nous.
Et seulement à nous ! ". |